Alban Tessier, aventurier visionnaire

Passionné d’expéditions extrêmes, Alban Tessier se prépare depuis deux ans à la traversée du désert de sel en Bolivie. Un défi pour cet homme atteint d’une déficience visuelle.


Texte : Pascale Dubosq. Photo : Morgana Tessier.


Parcourir le Salar de Bolivie. Partir seul pour un trek dans le plus grand désert salé du monde, à 4000 mètres d’altitude… Certains le font, avec un bon entraînement physique et une équipe encadrante locale. D’autres préfèrent traverser cette étendue mythique en 4X4 et dormir dans les quelques villages limitrophes. Alban Tessier, lui, a décidé de se lancer dans l’aventure en juillet 2018 malgré une rétinite pigmentaire, maladie de la vision évolutive. Son champ visuel est très rétréci en périphérie et sa vision oscille entre 1/20e et 1/50e.

A 40 ans, il se prépare quotidiennement depuis deux ans en parcourant en marche rapide plusieurs kilomètres d’un parcours repéré sur les Pas enchantés à Saint-Sébastien-sur-Loire (44) et les îles de Loire. La casquette rouge vissée sur la tête, la visière protégeant les yeux, lunettes fumées, il avance sur les chemins d’un pas assuré, toujours accompagné de sa canne blanche.

Expéditions extrêmes

Enseignant dans un établissement spécialisé pour handicapés visuels, il a côtoyé Michel Point, copilote aveugle lors du Dakar 2004 et aventurier de désert, décédé en décembre 2011. Passionné par les expéditions « extrêmes » comme celles de Nicolas Vannier, de Mike Horn ou de Philippe Croizon, Alban Tessier est émerveillé par le salar d’Uyuni. En souvenir de son amitié avec Michel, il a eu envie de faire perdurer sa philosophie : tordre le cou aux idées reçues et aux préjugés en préparant ce trek. Il envisage aussi ce voyage comme un défi personnel : « Aujourd’hui, j’ai besoin de sortir de ma zone de confort et de prendre le temps de l’introspection ».

Morgana, son épouse, raconte l’angoisse qu’elle a ressentie lorsque son mari lui a fait part de son désir de partir seul en Bolivie. L’intéressé rétorque : « Je ne suis pas fou, ce projet est mûrement réfléchi et je ne partirai pas sans avoir la certitude que je ne risque rien. Je ne compte pas me mettre en danger, sans préparation, sans assurer ma totale sécurité et ne mènerai pas cette aventure si la technologie ne me le permettait pas et si le milieu médical y était défavorable. Mes deux filles ne me le pardonneraient pas », ajoute-t-il dans un sourire.

Bivouac

Pour mener à bien son projet, il s’appuie sur une logistique implacable. Une équipe locale prépare avec lui le parcours de 150 kilomètres qu’il réalisera en autonomie complète, seulement équipé d’un Smartphone satellitaire adapté à la déficience visuelle, d’un GPS et d’une balise de détresse lui permettant de rester en contact avec le médecin référent. Des panneaux solaires installés sur le chariot de trek et sur son sac à dos donneront l’énergie nécessaire à la recharge de ses équipements et une tente spéciale lui permettra de bivouaquer. Bien sûr, ce trek a un coût très important. Pour financer son projet baptisé Uyuni, Alban Tessier poursuit sa quête de sponsors.

De -15° à + 40°

L’aventurier a prévu de partir en été, ce qui correspond à l’hiver en Bolivie donc à la saison sèche. A cette époque, le désert d’Uyuni est praticable mais la température varie de – 15° la nuit à + 40° ressenti en journée ce qui l’oblige à porter des vêtements spécialisés.

Afin de l’aider dans la préparation de cette expédition, il a sollicité le soutien de l’association À perte de vue qui a pour objectif de sensibiliser à la déficience visuelle, et de mettre en scène des aventures singulières pour interpeller le grand public, les institutions, les employeurs… Par cette expérience hors du commun, Alban Tessier espère inciter à penser la différence. Tout simplement…


Making of : Ce portrait a été réalisé lors d’ateliers d’écriture à la bibliothèque de Treillières. Le thème : « vis ma vie ». Chacun des participants –une petite dizaine de tous âges– était invité à rencontrer une personne de son choix, plus ou moins éloignée de son quotidien, pour en faire un portrait journalistique.

18 réflexions au sujet de « Alban Tessier, aventurier visionnaire »

  1. Toute mon admiration pour ce projet exceptionnel qui repousse les limites de l’humain, et fait échec aux idées reçues sur le handicap !
    Bon courage.

  2. Bravo pour cette force qui donne beaucoup d’espoir à tous
    quelque soit son handicap ou problèmes de santé.

    Bonne route et pensée à toute votre famille qui vous épaule
    et sera impatient de fêter votre retour.

  3. J’ai la chance de vivre avec cet homme courageux et volontaire qui cherche toujours à surpasser le handicap. Non pas qu’il le refuse, loin de là ! Au contraire, il l’a accepté et a appris à le dompter. Il a appris à connaître ses limites mais aussi ce qui n’était pas impossible !

  4. Un beau challenge, une belle expédition et une belle aventure qui aurait plu à ton copain Michel. Pour ce qui est d’aller au bout, je n’ai aucun doute, tu es préparé, et surtout tu es Vendéen! (je blague).

  5. Merci Monsieur le Président 😉 Michel est encore un guide pour moi et reste très présent ! Merci de me permettre de poursuivre sur ses pas, d’avoir impulsé cette dynamique du « possible » et pour ton ouverture sur le handicap ! Merci encore Nicolas.

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