Entre un atelier et des représentations, sirotant en toute quiétude une citronnade en terrasse, Meriem Gabou dite « la petite dame brune » retrace sa vie. Ou plutôt ses vies. Metteuse en scène, comédienne, chanteuse et graphiste, tout s’entremêle depuis quatre décennies. Portrait.
Texte : Ninon Herivault. Photos : YQe.
Elle se fait appeler « la petite dame brune ». L’Ancenienne Meriem Gabou vit un rêve éveillé, un rêve d’enfant : travailler dans le monde du spectacle.
Metteuse en scène, comédienne, chanteuse sans oublier graphiste à ses heures perdues, cette femme au caractère explosif, exigeante avec elle-même comme avec les autres, n’a jamais perdu son idéal de vue, se rapprochant peu à peu de lui jusqu’à le toucher du doigt.
Fillette, du côté d’Ancenis, la chanson faisait partie intégrante de son quotidien, « c’était vital ». Un soir, pour la première fois, elle regarde la télé qui affiche l’interprète de « La Vie en rose ». Son futur, dans la peau d’une chanteuse, devient une évidence et Edith Piaf, son idole. Des stages de voix et de chants rythment son adolescence, tout comme son départ pour la Ville Lumière en 1987 avant le bac – qu’elle ne passera finalement jamais – « c’était plus fort que moi », balaye t-elle d’une phrase.
De « Paname » au festival d’Avignon
À Paris, à 17 ans, elle rentre dans le studio Alice Dona, créé par la chanteuse et compositrice éponyme. La toute jeune femme y perfectionne les arts tels que la danse, le chant et le théâtre. Pour réussir à vivre, celle-ci n’a d’autre choix que de travailler en marge des études : « J’ai été serveuse, j’ai vendu des encyclopédies, j’ai distribué des fly[er]s en patins à roulettes… ».
En chemin elle croise en effet de nombreuses difficultés, principalement financières, mais persévère : « Comment vivre avec ce métier ? J’ai décidé d’être heureuse même si c’est difficile ». Tout simplement… Les métiers artistiques restent aléatoires, avec par des revenus incertains et un fonctionnement par périodes : certaines sont animées, ne laissant aucun temps libre, alors que d’autres sont monotones et peu prospères.
Grâce à sa motivation et son acharnement, ainsi qu’une part de chance, son parcours se mêle à ceux de Carlo Boso et d’Alain Lebon (décédé en 2011), metteurs en scène. Avec eux, la comédienne joue ses premiers spectacles, « Sur le chemin des Dames » ou « La Balade de Poulchinelle », qui sera même interprété à l’étranger du côté Porto (Portugal). Ces deux rencontres confirment sa passion pour le théâtre.
Elle créé ensuite son propre spectacle où se côtoient chant et théâtre, avec l’aide de son compagnon, Dany, à la batterie. « Sous l’aile de Piaf », clin d’œil à son enfance et hommage à l’une des plus grandes chanteuses françaises. 120 dates et un festival d’Avignon plus tard, la tournée prend fin : « On a arrêté avant d’être lassés » avance « la petit dame brune ». Malgré ses représentations presque exclusivement en France, celle qui se considère comme la « maman » de ses spectacles apprécie voyager. Manière de rencontrer de nouvelles personnes et cultures, car le théâtre, comme elle le souligne, « c’est avant tout aimer l’humanité ».
L’amour tue
Depuis presque 15 ans, l’Ancenienne anime des ateliers de théâtre pour professionnels adultes et amateurs adultes comme adolescents, préférant néanmoins travailler au contact de « la vitalité, la passion et la persévérance » de ces derniers. Ils lui apprennent beaucoup sur la société d’un côté, elle transmet techniques et savoirs de l’autre. Les adultes, eux, ont parfois « plus de mal à se lâcher ».
La saison 2017-2018 se termine avec la préparation des ultimes représentations à Nort-sur-Erdre (Loire-Atlantique) de « Love Kills », sa dernière création. Meriem avoue une continuité entre ses spectacles d’une année sur l’autre. Livres et musiques l’inspirent. Les idées pour les pièces et aventures à venir viennent tout naturellement : « Il y a toujours quelque chose qui me dit : ‘Tiens, faut que tu ailles voir dans cette direction, Tiens, peut-être que ça, ce serait bien’ ».
À bientôt 48 ans, elle espère travailler le plus longtemps possible, mais se donne toutefois une limite : « Le jour où je n’ai plus de doute, j’arrêterais. […] Le doute te pousse, te forge, c’est ce qui te permet d’avancer et d’aller plus loin. »
Making-of : Issue d’une classe d’élèves de « littérature et société » du lycée Saint-Martin de Nort-sur-Erdre, Ninon Herivault a effectué un stage d’une semaine auprès de Thibault Dumas, un des trois journalistes-résidents de Médias en Erdre & Gesvres.
Oh mais comme tu as une jolie plume Ninon ! Merci pour cet instant avec toi, pour ta belle écoute, ton sourire et cet article qui retrace si bien ma petite roulotte théâtrale !! Je te souhaite de belles choses étoilées de bonheur et de passion.
Nous lui transmettons vos remerciements.